La Saskatchewan

La Saskatchewan est née de la division des Territoires du Nord-Ouest (TNO) en deux provinces : L'Alberta et la Saskatchewan. Au début, les TNO n'avait pas un grand pouvoir sur son propre territoire et était presque entièrement gouverné par Ottawa. Pourtant, en 30 ans, son statut changera énormément et la province vivra un développement effréné, grâce à l'immigration et au développement agricole.

Les Territoires du Nord-Ouest ont été constitués officiellement en 1875. Ils possédaient un lieutenant-gouverneur et une capitale située d'abord à Telegraph Flat (Battleford), puis Regina à partir de 1882. Le conseil législatif, constitué de 5 membres, avait l'anglais et le français comme langues officielles. Les territoires dépendaient entièrement d'Ottawa comme seule source de revenus. Les Territoires du Nord-Ouest n'avaient aucun pouvoir sur la terre. Ils étaient alors divisés en 2 districts : Assiniboia, s'étendant de la frontière manitobaine jusqu'à 50 km à l'ouest de Medicine Hat, et de la frontière américaine jusqu'à 200 km au Nord de Regina. Le deuxième district, portant le nom de Saskatchewan, s'étendait de 200 km au Nord de Regina, jusqu'à 200 km au Nord de Prince Albert. La division était donc plutôt nord-sud qu'est-ouest comme l'est actuellement la division des provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Frederick Haultain est le premier Premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. La création de ce nouveau titre signifie qu'Ottawa a moins de pouvoir sur les Territoires. À cette époque, la population est d'environ de 50 000 habitants, soit 25 000 à 35 000 Autochtones, 2 000 blancs (principalement des employés de la Compagnie de la Baie d'Hudson et des petites communautés développées autour des postes de traite) et des Métis venus du Manitoba vers 1869-1870.

En mai 1873, la Police à cheval du Nord-Ouest (PCN-O) est créée. Elle occupe le rôle de la police, de la justice, elle collecte les taxes et tient les archives en plus d'autres tâches administratives gouvernementales. En 1874, elle était formée de 280 hommes et gagne peu à peu le respect des Autochtones. Elle prendra l'adjectif « royal » en 1904.

Le train rejoint Regina pour la première fois en 1882. La ville devient alors la capitale des Territoires, malgré que Prince Albert était alors la plus grosse ville. La ligne de chemin de fer est complétée en 1888. Le trajet n'était cependant pas celui escompté par la population de colons, qui ne s'attendaient pas à voir le chemin de fer se construire au sud. Ils s'étaient installés dans la vallée de la rivière Saskatchewan, près de la route de transport principale. Cette différence dans le tracé occasionne des pertes financières importantes. Cumulées avec le coût d'achat du matériel, les frais de transports élevés à cause du monopole du Canadian Pacific Railway (CPR), l'augmentation du coût de la machinerie et la baisse du prix du blé, les colons sont très mécontents. Ils revendiquent le « Bill of Rights » : l'abolition du monopole du CPR, le contrôle des ressources naturelles par les provinces plutôt que par le gouvernement fédéral, une ligne de chemin de fer directe jusqu'à la Baie d'Hudson (permettant d'envoyer le blé outre-mer sans avoir à traverser le continent), l'abolition des tarifs sur la machinerie agricole, la possibilité que les municipalités obtiennent l'autorisation de construire des élévateurs à grains et des moulins, mais aussi que les nouveaux colons soient aidés financièrement grâce à de nouvelles lois . En 1883-1884, La Manitoba and North-West Farmer Union s'unit aux Métis et adoptent le Bill of Rights, avec quelques ajouts pour les Métis et les premières nations, telles que l'amélioration du Homestead Act et des titres de terre pour les Métis. Ottawa fait toujours la sourde oreille à ces demandes.

Louis Riel est appelé en renfort. Sa révolte armée perd rapidement l'appui des colons blancs, qui se sentent menacés par les actes de violence perpétrés par des groupes autochtones qui ne sont pas rattachés au mouvement de Riel. La révolte se termine de manière violente et l'arrivée de 8000 hommes, de canons et d'un « machine gun », pour aider les autorités gouvernementales mettent fin au conflit. Riel est jugé coupable et est pendu. Lorsque le conflit se termine en 1885, les revendications des Autochtones ne sont pas écoutées, alors que les Territoires du Nord-Ouest obtiennent quatre sièges à l'assemblée. Les Territoires du Nord-Ouest obtiennent le droit de lever des taxes et le budget est doublé. La législation autour des terres est simplifiée et le CPR voit la fin de son monopole. Malgré ces solutions, certains problèmes résistent : il n'y a toujours pas de contrôle des frais de fret, les taux d'intérêt sont toujours trop élevés, le chemin de fer ne possède pas suffisamment de lignes pour rejoindre les communautés et les compagnies de grains exploitent les colons.

Enfin, jusqu'en 1890, l ‘immigration n'est pas un succès. C'est vers 1896 que l'on note l'arrivée massive d'immigrants dans les Territoires du Nord-Ouest, principalement grâce à une politique d'immigration dans les îles britanniques. Entre 1900 et 1910, la production du blé augmente de 400% et son exportation augmente de 600%. La population subit un accroissement important, passant de 90 000 habitants en 1901 à 500 000 dix ans plus tard.

Les prix d'exportation diminuent enfin, le prix du blé augmente, la technologie agricole s'améliore et des millions d'Européens sont à la recherche d'une terre d'accueil. Les États-Unis atteignent la saturation et ne peuvent plus accueillir de nouveaux colons. Par le fait même, les prairies canadiennes deviennent une destination d'immigration intéressante. Le gouvernement libéral de Laurier ouvre les terres à l'immigration et met sur pied une campagne pour attirer les agriculteurs expérimentés. Il en vient de toutes origines, mais particulièrement de l'Ontario, de l'est canadien, de l'Allemagne, de la Scandinavie, de l'Europe de l'Est, de l'Angleterre et des États-Unis.

L'immigration se fait malgré tout principalement sur une base culturelle anglo-saxonne. La France décourage l'émigration vers les colonies anglaises. Les Canadiens français se dirigent plutôt vers la Nouvelle-Angleterre. Ceux qui se dirigent vers l'ouest s'installent dans des communautés francophones. Les allemands sont le deuxième groupe ethnique le plus important en 1900. Fuyant la conscription en Europe de l'Est, ils s'assimilent à la population anglaise. Ils immigrent de différents pays, leur culture est hétéroclite et sont de confessions religieuses différentes. Les Hutterites et les Doukhobors se joignent aux immigrants, fuyant une situation difficile. Le gouvernement fédéral encourage l'immigration venue des États-Unis, car ils parlent anglais et sont généralement d'origine britannique et ils ont déjà l'expérience d'un gouvernement démocratique. Ils ont de aussi de l'argent et de la machinerie agricole, ils connaissent des gens qui pourraient également immigrer et ils connaissent l'agriculture nord-américaine. Ils s'acclimatent donc facilement et ont une influence sur les nouveaux immigrants.

Après 1900, l'immigration provient principalement de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale. Les nouveaux immigrés fuient les vestiges du féodalisme, les guerres fréquentes, les conditions financières difficiles avec des terres agricoles trop petites, la discrimination religieuse, ethnique et la discrimination de classes sociales. La promesse d'une terre gratuite et d'une citoyenneté égalitaire attire différents peuples : les Ukrainiens, les Galiciens de l'Empire austro-hongrois, les Tchèques, les Slovaques, les Allemands autrichiens et les Russes de minorités allemande, biélorusse, ukrainienne, juive, estonienne, lithuanienne, etc… Les nouveaux immigrés sont d'abord détestés parce qu'ils acceptent des emplois sous-payés et font baisser les salaire, mais ils finissent par être assimilé.

Les colons passent leur premier hiver dans une tente, avant de construire une maison faite de boue que l'on appelle « sod house ». Plus tard, ils pourront construire une petite cabane. La moitié des nouveaux propriétaires de « homesteads » échoueront à remplir les exigences pour posséder leur terre et devront l'abandonner. La vie de pionnier est difficile.

Des petites villes naissent le long de la rail de chemin de fer. L'année 1896 marque un boom économique et l'industrie du blé domine l'économie des Territoires du Nord-Ouest alors que le commerce des fourrures est en déclin depuis 1850. Le sud de la province accueille des ranchs alors que le nord se tourne vers l'industrie forestière. Estevan a sa mine de charbon, mais subit de violentes grèves dues aux mauvaises conditions de travail.

En somme, dès 1900, le besoin d'un statut provincial se fait ressentir, mais le gouvernement fédéral n'avance pas le dossier. En 1902, les conservateurs, alors à l'opposition des libéraux, appuient le projet d'obtention d'un statut provincial. Frederick Haultain, alors premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, appuie ce projet et désire la création d'une seule et même province. Lors des élections de 1904, les Libéraux de Laurier promettent le statut provincial et remportent leurs élections.

Le gouvernement sous Laurier fonde donc deux nouvelles provinces afin de diviser leur pouvoir à Ottawa. Elles ont les nouvelles frontières suivantes : le Manitoba à l'est de la Saskatchewan, la Colombie britannique à l'ouest de l'Alberta, et une division centrale au 110e degrés de longitude pour créer des provinces de taille égale. Au sud, la frontière est partagée avec les États-Unis, et au nord, le 60e degré de latitude marque la frontière, afin d'étendre les limites nord de la Colombie britannique.

En 1905, lorsque la province est créée, elle n'obtient pas le contrôle des Terres de la couronne et des ressources naturelles, sous prétexte que le gouvernement fédéral en a besoin pour la construction du chemin de fer et pour l'arrivée de nouveaux immigrants. Or, la construction du chemin de fer est déjà terminée et les immigrants s'installent dans des régions où les terres de la couronne sont déjà sous contrôle provincial. Cela démontre bien qu'Ottawa désire continuer à tirer profit des ressources de l'Ouest et à créer des nouvelles provinces, des provinces de seconde classe. Laurier échoue également à rétablir le système d'éducation catholique et francophone.

Au niveau politique, la nouvelle province adopte un système à deux partis. Plusieurs s'attendaient à ce que Frederick Haultain, déjà Premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, soit choisi comme premier Premier ministre de la Saskatchewan, mais Laurier veut un libéral et Haultain appuie le parti conservateur. Amédée Forget, Lieutenant-gouverneur de la nouvelle province, choisit plutôt Walter Scott et Haultain tient l'opposition. Le choix de Forget sera confirmé aux premières élections qui maintient Scott au poste de Premier ministre. Regina devient la capitale de la nouvelle province, mais Moose Jaw, Battleford, Prince Albert, Fort Qu'appelle et Saskatoon étaient également dans la compétition pour ce titre. Les institutions gouvernementales sont réparties partout dans la province et c'est Saskatoon qui hérite de l'université.

C'est ainsi que la nouvelle province de la Saskatchewan est née. Peu à peu, les Territoires du Nord-Ouest ont acquis plus de pouvoir et d'autorité, jusqu'à la création de deux nouvelles provinces. Malgré cela, elle ne possède pas encore tous les droits que possèdent les provinces de l'est et est classée comme une province de seconde classe. Ce sont les premiers problèmes que devra affronter la jeune province.
















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